Anthime-Ménard (Anthime, Pierre, Louis Ménard dit), avocat, publiciste et homme politique français, né à Nantes (Loire-Inférieure) le 31 juillet 1860*, décédé à Paris le 3 juin 1923.
Docteur en droit, avocat, fondateur du Nouvelliste de l’Ouest et du Vendéen (dans lesquels il écrivit très peu), maire de La Chapelle-Launay, Anthime-Ménard, membre titulaire (1895) de la Conférence Molé-Tocqueville, prit part à la discussion qui y eut lieu le 21 janvier 1898 sur l’Affaire. Il y dénonça la campagne révisionniste visant non à « chercher la preuve directe, absolue, nécessaire de l’innocence du condamné » mais à « faire, à sa place, condamner un innocent ». Pour lui, cette campagne, orchestrée par un « véritable syndicat », n’était qu’une « affaire de race » :
Le juif montre ici son ascendant sur le chrétien. En faveur de quel chrétien, en effet, eût-on permis une campagne comme celle qui a été si longuement préparée, et par des moyens reconnus aujourd’hui comme si déloyaux, contre le commandant Esterhazy. La coalition juive a donc été autorisée à faire la preuve indirecte, et sur la tête d’un autre, de l’innocence de son client. (p. 69).
À la séance du 25 février suivant, il déposa un ordre du jour ainsi libellé :
Considérant qu’une révision du procès Dreyfus demandée et poursuivie par les voies légales, est le seul moyen auquel aurait dû jusqu’ici et peuvent encore recourir ceux qui se proclament précisément les défenseurs de la légalité ; Considérant que les accusations lancées d’abord contre le commandant Esterhazy, par Mathieu Dreyfus, puis contre l’État-Major par M. Zola, sont au contraire des tentatives révolutionnaires et ouvertement antipatriotiques, Qu’il est permis de craindre que ces tentatives se reproduisent sous de nouvelles formes. Émet le vœu : Que le Gouvernement, fidèle à ses énergiques déclarations, réprime par les moyens les plus rigoureux, les moindres symptômes d’une campagne Dreyfusienne, qui ne serait pas exclusivement basée sur une procédure légale de révision » (pp. 119-120).
Candidat Républicain progressiste à Saint-Nazaire aux législatives de mai suivant, il fut élu au premier tour après une campagne dans laquelle il n’oublia pas l’Affaire, reprochant à son adversaire, Gasnier, d’être un ami de « la bande Dreyfus, Zola, Clemenceau et compagnie » (Guiffan, p. 96 ; voir aussi l’ensemble de la presse de la région à la date du 1er mai 1898). Dans sa profession de foi, il avait tenu à affirmer qu’il serait un défenseur de la patrie, « gravement menacée par un syndicat occulte et étranger, livrée à l’exploitation d’accapareurs et de spéculateurs, qui ne songent, au mépris des vrais principes de fraternité et de solidarité, qu’à édifier de scandaleuses fortunes sur la ruine des petits et des faibles […] » (Recueil Barodet 1898, p. 387). Et à la question de savoir s’il était royaliste ou républicain, il répondait : « Ma candidature est une candidature de protestation contre les panamistes, les amis de Zola et les défenseurs de Dreyfus. Je me place sur le terrain patriotique, le seul véritablement français (« Élections législatives », Le Nouvelliste de l’Ouest, 25-26 avril 1898).
Élu, inscrit au groupe des Républicains indépendants, il vota l’affichage du discours de Cavaignac et, le 22 septembre, fut du petit groupe de députés nationalistes (avec Berry, Millevoye, Charles Bernard, La Ferronnays, Pontbriand, Galot, Dubochet, Savary de Beauregard, Daudé, Gervaize et Lasies) qui convièrent les députés de droite à se joindre à eux pour déterminer quelle devait être « la conduite à tenir vis-à-vis du ministère Brisson » (« Les affaires Picquart et Dreyfus », Le Temps, 25 septembre 1898). De même, le 27 septembre 1898, il fut un des signataires de l’ordre du jour de la réunion hors session des parlementaires (le « Groupe des douze » : Berry, Millevoye, Drumont, La Ferronnays, Haussmann, Duquesnay, Lasies, Ramel, Gervaize, Daudé, Aulan) qui demandèrent à Félix Faure la convocation anticipée des Chambres pour tenter d’arrêter la révision (« L’Affaire Dreyfus », Le Temps, 29 septembre 1898). Le mois suivant, au nom de ce même groupe, il consultera les députés pour leur demander d’adhérer à l’ordre du jour du 27 septembre blâmant le ministère Brisson et prenant la résolution « de réprimer énergiquement les agissements des fauteurs de désordres et des insulteurs de l’armée » (« L’Affaire Dreyfus », Le Temps, 17 octobre). Par la suite, à la Chambre où il déploya une intense activité, il vota la loi de dessaisissement, condamna les incidents d’Auteuil et vota contre l’affichage de l’arrêt de la Cour de cassation (ordre du jour Sembat). Après Rennes (où il s’était rendu pendant le procès, convaincu aux premiers jours que Dreyfus serait à nouveau condamné – Saint-Réal, « Le procès de Rennes », Le Gaulois, 9 août 1899), il vota l’ordre du jour Chapuis contre la reprise de l’Affaire, s’abstint sur l’amnistie tout en votant contre l’amendement Vazeille.
Au renouvellement de 1902, il se présenta sur un programme antiministériel qui un nouvelle fois n’oublia pas l’Affaire :
Une affaire de haute trahison – l’Affaire Dreyfus – qui, pour grave qu’elle fût, n’en devait pas moins rester une affaire purement judiciaire, a été systématiquement jetée dans le domaine de la politique, pour aboutir à la confusion de tous les partis, à la désorganisation de notre défense nationale et de notre armée tenue jusque-là en dehors et au-dessus de nos luttes politiques, enfin à une période d’agitation violente qu’on a semblé entretenir à plaisir, comme pour y trouver le prétexte de faire naître et de faire durer une coalition contraire aux véritables intérêts moraux et matériels du pays. (Recueil Barodet 1902, p. 452).
Réélu, il vota, le 7 avril 1903, sur l’ordre du jour Chapuis, après le discours de Jaurès et l’enquête annoncée par André, contre le gouvernement et pour la seconde partie « visant à ne pas laisser sortir l’affaire Dreyfus du domaine judiciaire ». En 1906, il s’abstint sur le vote de réintégration de Dreyfus et de Picquart, s’opposa à l’ordre du jour Pressensé demandant que fussent prononcées des sanctions disciplinaires à l’égard des véritables coupables, vota contre l’hommage proposé par Réveillaud « aux artisans de la révision » et le projet de loi relatif au transfert des cendres de Zola au Panthéon (proposition de loi Breton). De même, il s’abstint, en 1908, lors du vote de condamnation de la campagne contre l’arrêt de la Cour de cassation réhabilitant Dreyfus entreprise par L’Action française et L’Autorité (ordre du jour Dalimier). Il sera battu en 1910 et se retirera de la vie politique.
Sources et bibliographie : les références de pages renvoient à l’Annuaire de la conférence pour 1898, Paris, Au siège de la Conférence, [1898].
Philippe Oriol